Les langues de la France
Le français, langue d’une minorité
– Le français est à l’origine une langue d’oïl parmi d’autres, celle de l’Île-de-France et de la cour.
– Avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), on impose le français pour les actes juridiques et administratifs, mais ça ne change presque rien à la langue du peuple : on continue à parler breton, basque, occitan, flamand, alsacien, francoprovençal, corse, catalan, mais aussi une multitude de parlers d’oïl locaux.
– À la fin de l’Ancien Régime, le français est surtout la langue :
◦ de la cour et de la haute bourgeoisie,
◦ de l’administration,
◦ d’une partie des élites urbaines.
– L’abbé Grégoire, en 1794, quand il enquête sur les patois, estime qu’une minorité seulement de Français parle vraiment le français. Le pays est massivement plurilingue.
Autrement dit : du point de vue politique, la France est déjà très centralisée ; du point de vue linguistique, elle ne l’est pas du tout.
Que montre la carte de 1863 ?
La carte que vous avez attentivement regardée provient de l’enquête menée auprès des inspecteurs primaires sous le Second Empire (popularisée plus tard par Eugen Weber). Elle classe les départements selon la proportion de communes où le français est / n’est pas la langue d’usage.
En gros :
– En violet : départements où toutes les communes sont francophones (grosso modo le nord et l’est du Bassin parisien, la vallée de la Loire, une partie du Nord-Est).
– En orange / rouge : départements où toutes ou presque toutes les communes sont non francophones.
– En jaune : forte proportion de communes non francophones.
– En blanc : départements francophones, mais avec patois signalés.
Ce que ça veut dire concrètement :
– Dans une grande partie de l’Ouest (Bretagne, Vendée…), du Sud (aire d’oc, catalan, basque) et de l’Est frontalier (alsacien, francique, occitan alpin, etc.), la langue ordinaire, au village, n’est pas le français. Au village, car à cette date, la majorité de la population habite au village : la parité urbain/rural ne date que de 1931.
– Même dans les zones dites francophones, on parle souvent un patois d’oïl très éloigné du français standard, et on ne maîtrise le français qu’à l’écrit ou dans des situations formelles.
Attention toutefois : non francophone ne veut pas dire que personne ne parle français. Ça veut dire que la langue majoritaire de la commune n’est pas le français, que la vie quotidienne se passe dans une autre langue. Souvent, les notables, le curé, l’instituteur, certains paysans aisés sont bilingues.
Cela dit, en 1863, le cliché d’une « France qui parle français partout » est faux. La situation linguistique du pays évoque plutôt un patchwork de langues et de parlers sur lequel le français gagne du terrain, mais n’a pas encore tout emporté.
Comment le français s’est imposé ?
C’est entre 1870 et 1950 que le français devient la langue quasi exclusive de la population :
– L’école : avec les lois Ferry (années 1880), l’école primaire laïque et obligatoire impose le français comme seule langue légitime. On punit les enfants qui parlent patois ; on les culpabilise.
– Le service militaire : à partir de la conscription de masse, des jeunes hommes de tous les coins du pays se retrouvent mélangés au régiment ; le français devient la langue commune dans l’armée.
– Les déplacements : chemins de fer, migrations saisonnières, exode rural, industrialisation bouleversent des équilibres démographiques très anciens. Résultat : on se marie ailleurs qu’au village, on travaille en ville. Et la pression du français augmente.
– La presse, puis la radio et la télévision : les médias de masse ont besoin d’un vecteur commun partagé par tous ; ils s’expriment donc exclusivement en français standard. Le journal et la radio sont de puissants outils d’uniformisation.
– La centralisation administrative : pour écrire au préfet, au percepteur, pour lire les formulaires, il faut bien sûr parler français.
Résultat : en deux ou trois générations, les enfants de locuteurs bretons, occitans, alsaciens, corses se transforment en francophones exclusifs.
Les langues de la France
Le français, langue d’une minorité
– Le français est à l’origine une langue d’oïl parmi d’autres, celle de l’Île-de-France et de la cour.
– Avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), on impose le français pour les actes juridiques et administratifs, mais ça ne change presque rien à la langue du peuple : on continue à parler breton, basque, occitan, flamand, alsacien, francoprovençal, corse, catalan, mais aussi une multitude de parlers d’oïl locaux.
– À la fin de l’Ancien Régime, le français est surtout la langue :
◦ de la cour et de la haute bourgeoisie,
◦ de l’administration,
◦ d’une partie des élites urbaines.
– L’abbé Grégoire, en 1794, quand il enquête sur les patois, estime qu’une minorité seulement de Français parle vraiment le français. Le pays est massivement plurilingue.
Autrement dit : du point de vue politique, la France est déjà très centralisée ; du point de vue linguistique, elle ne l’est pas du tout.
Que montre la carte de 1863 ?
La carte que vous avez attentivement regardée provient de l’enquête menée auprès des inspecteurs primaires sous le Second Empire (popularisée plus tard par Eugen Weber). Elle classe les départements selon la proportion de communes où le français est / n’est pas la langue d’usage.
En gros :
– En violet : départements où toutes les communes sont francophones (grosso modo le nord et l’est du Bassin parisien, la vallée de la Loire, une partie du Nord-Est).
– En orange / rouge : départements où toutes ou presque toutes les communes sont non francophones.
– En jaune : forte proportion de communes non francophones.
– En blanc : départements francophones, mais avec patois signalés.
Ce que ça veut dire concrètement :
– Dans une grande partie de l’Ouest (Bretagne, Vendée…), du Sud (aire d’oc, catalan, basque) et de l’Est frontalier (alsacien, francique, occitan alpin, etc.), la langue ordinaire, au village, n’est pas le français. Au village, car à cette date, la majorité de la population habite au village : la parité urbain/rural ne date que de 1931.
– Même dans les zones dites francophones, on parle souvent un patois d’oïl très éloigné du français standard, et on ne maîtrise le français qu’à l’écrit ou dans des situations formelles.
Attention toutefois : non francophone ne veut pas dire que personne ne parle français. Ça veut dire que la langue majoritaire de la commune n’est pas le français, que la vie quotidienne se passe dans une autre langue. Souvent, les notables, le curé, l’instituteur, certains paysans aisés sont bilingues.
Cela dit, en 1863, le cliché d’une « France qui parle français partout » est faux. La situation linguistique du pays évoque plutôt un patchwork de langues et de parlers sur lequel le français gagne du terrain, mais n’a pas encore tout emporté.
Comment le français s’est imposé ?
C’est entre 1870 et 1950 que le français devient la langue quasi exclusive de la population :
– L’école : avec les lois Ferry (années 1880), l’école primaire laïque et obligatoire impose le français comme seule langue légitime. On punit les enfants qui parlent patois ; on les culpabilise.
– Le service militaire : à partir de la conscription de masse, des jeunes hommes de tous les coins du pays se retrouvent mélangés au régiment ; le français devient la langue commune dans l’armée.
– Les déplacements : chemins de fer, migrations saisonnières, exode rural, industrialisation bouleversent des équilibres démographiques très anciens. Résultat : on se marie ailleurs qu’au village, on travaille en ville. Et la pression du français augmente.
– La presse, puis la radio et la télévision : les médias de masse ont besoin d’un vecteur commun partagé par tous ; ils s’expriment donc exclusivement en français standard. Le journal et la radio sont de puissants outils d’uniformisation.
– La centralisation administrative : pour écrire au préfet, au percepteur, pour lire les formulaires, il faut bien sûr parler français.
Résultat : en deux ou trois générations, les enfants de locuteurs bretons, occitans, alsaciens, corses se transforment en francophones exclusifs.
