Les bascophones n’appellent pas leur (notre) langue basque…basque. Le basque, c’est un nom français pour la langue. Les bascophones, lorsqu’ils parlent basque, se réfèrent à leur langue comme euskara (ou eskuara ou üskara ou diverses variations du même nom).
Le première mention historique du mot « euskara » ne provient pas d’un scribe français, ni d’un fonctionnaire espagnol, ni même d’un prête basque, mais d’un historien musulman andalou vivant il y a près de 1000 ans. Il s’appelait Abū al-ʿAbbās Aḥmad ibn ʿUmar ibn Anas al-ʿUdrī (1003-1085). Et qui plus est, la toute première fois que le mot euskara apparaît, c’est dans le nom d’un chef musulman basque local, qui a vécu plusieurs siècles avant al-ʿUdrī.
Pour décrire très, très brièvement l’histoire qui apparaît dans son recueil historique Tarsī al-Akhbār (voir la photo), al-ʿUdrī, écrivant au XIe siècle, parle d’un chef basque (musulman) du IXe siècle, Bahlūl ibn Marzūq, qui vivait dans ce qui est aujourd’hui l’Aragon. À cette époque, le basque était encore parlé en Aragon.
Une tribu musulmane, la famille Banu Salama, régnait sur la ville de Huesca à l’époque, et on dit qu’elle se comportait en tyran. Bahlūl ibn Marzūq, un chef militaire basque musulman local, s’est rebellé contre le gouvernement arabe de l’émirat de Cordoue (peut-être en raison du mécontentement persistant des musulmans ibériques locaux qui voyaient leur ascension sociale refusée par la classe supérieure des Arabes) et a conquis la ville, chassant les Banu Salama, en l’an 800. Bahlūl ibn Marzūq créa ainsi un royaume basco-musulman indépendant. Il durera à peine 4 ans, mais ses exploits ont été jugés si importants qu’ils ont été consignés par écrit.
L’historien al-ʿUdrī, après avoir relaté la nouvelle de la conquête de Huesca, nous fournit ensuite le nom du père de ce chef (également basque, et également musulman) : Marzūq ibn Uskara. J’ai marqué le nom en rouge sur la photo suivante. C’est donc مرزوق بن أسكرى, notre première attestation du mot.
L’euskara, dans le sens où nous l’utilisons aujourd’hui, est le nom de la langue, mais il semble qu’il y a plus de mille ans, il pouvait également être utilisé pour décrire la personne qui parle la langue (c’est du moins l’hypothèse du regretté linguiste basque Txomin Peillen), de la même manière que nous disons « euskaldun » aujourd’hui, c’est à dire, bascophone. Par conséquent, Marzūq ibn Uskara serait quelque chose comme Marzūq, le fils du Basque.