Langues minoritaires en Roumanie : un soutien important dans l’éducation, mais le seuil requis pour une utilisation dans l’administration est trop élevé
Strasbourg, 14.09.2023 – Un rapport publié aujourd’hui par le Comité d’experts qui assure le suivi de la mise en œuvre de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe reconnaît que la Roumanie dispose d’un cadre juridique solide et de politiques de protection des langues minoritaires, notamment dans l’éducation, mais regrette que le seuil requis pour une utilisation de la langue dans l’administration soit trop élevé.
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires s’applique à 20 langues en Roumanie. Dix langues (allemand, bulgare, croate, hongrois, russe, serbe, slovaque, tchèque, turc et ukrainien) bénéficient d’une protection plus élevée depuis que la Roumanie a pris des engagements supplémentaires pour les promouvoir dans la vie publique, notamment en ce qui concerne leur utilisation dans l’éducation, la justice, l’administration, les médias, la vie économique et sociale, la culture et les échanges transfrontaliers. La Charte protège aussi l’albanais, l’arménien, le grec, l’italien, le macédonien, le polonais, le romani, le ruthène, le tatar et le yiddish.
Le système roumain de protection des langues minoritaires affiche des bonnes pratiques à de nombreux égards, souligne le Comité d’experts. La Constitution ainsi que certaines lois spécifiques établissent un cadre général de protection, et un soutien financier important est accordé à 19 organisations de minorités nationales pour la promotion de leur culture et de leurs langues.
Le Comité d’experts indique toutefois que le seuil de 20 % fixé par la législation interne pour l’utilisation des langues minoritaires dans l’administration est trop élevé et fait part de sa préoccupation à cet égard, précisant qu’une application stricte priverait les locuteurs de langues minoritaires de la pleine protection de la Charte. Le Comité d’experts invite les autorités à prendre en considération les résultats du recensement de 2021, qui a révélé une diminution de la population des minorités nationales, comme un simple indicateur parmi d’autres.
Eu égard au fait que le romani est la langue maternelle d’au moins 199 000 personnes dans le pays et compte un nombre de locuteurs bien supérieur, le Comité d’experts recommande aux autorités roumaines de continuer à promouvoir la présence de cette langue dans la vie publique, en particulier dans l’éducation.
L’allemand et le hongrois bénéficient d’une situation très favorable dans l’éducation, mais le rapport invite toutefois les autorités à remédier sans tarder à la pénurie d’enseignants – qui touche aussi sérieusement l’enseignement du tchèque et du romani –, notamment en mettant en place des mesures incitatives pour rendre la profession plus attrayante.
En ce qui concerne l’utilisation de certaines langues minoritaires dans les procédures judiciaires, le Comité d’experts regrette que, dans les procédures civiles et administratives, les personnes qui présentent des documents dans une langue minoritaire doivent prendre à leur charge les frais additionnels de traduction, ce qui est contraire aux dispositions de la Charte.
Enfin, le rapport se félicite de l’offre importante et complète d’activités culturelles dans les langues minoritaires, d’une offre satisfaisante d’émissions de radio, mais également que la télévision roumaine propose des programmes spécifiques en hongrois, en allemand et dans d’autres langues minoritaires.
Le troisième rapport d’évaluation du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires se fonde sur les informations communiquées par des sources gouvernementales et non gouvernementales, notamment celles obtenues lors de la visite en Roumanie effectuée par le Comité en février 2023.
Un résumé en roumain du rapport est également disponible.