Par Dr Maxime MAURY
« Le premier qui dit la vérité , il doit être exécuté. » ( Guy Béart )
« Les comptes en désordre sont le propre des nations qui s’abandonnent. »( Pierre Mendès-France )
En huit mois, la France aura perdu deux Premier ministres au moment de voter son budget. Les taux d’intérêt auxquels elle empruntera cette année encore 330 milliards se seront envolés par dessus ceux de l’Italie, de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne.
Une grande agence de notation aura décoté sa dette dans un grade qui n’est plus le premium mais la qualité simplement « moyenne » (A+).
À la seconde dégradation par une autre agence (possiblement Standard and Poor en novembre), nous ne serons plus dans le même monde car notre dette sera plus difficile à placer et concurrencée par les émissions allemandes qui s’accroissent en toute sécurité avec leur triple A.
L’attribution d’une cote A+ ( qualité « moyenne ») par deux agences sur trois entraînera, en raison de la régulation prudentielle Bâle III, une augmentation significative des fonds propres des banques qui portent la dette française. En effet, le risque s’accroît et avec lui les taux d’intérêt long terme qui incluent une prime de plus en plus pénalisante.
Ainsi le spread par rapport à l’Allemagne dépasse maintenant 80 points de base. Dans la période de création de l’euro,il n’ était que de 15 points. Au cours des dernières années, à peine de 25 points en moyenne.
Nous sommes comme un patient qui aurait de l’hypertension et refuserait de se soigner.
La vérité toute bête c’est qu’il n’y a plus désormais de limites au coût de notre endettement que la Cour des comptes évalue à 105 milliards en 2029 pour les seuls
intérêts (contre 67 milliards actuellement) alors que nous empruntons 10 000 euros par seconde et voyons notre endettement croître de 5000 euros par seconde.
Seul notre comportement peut le limiter désormais. Or nous ne fonctionnons plus comme une nation mais comme une cour de récréation où se concentrent de mauvais élèves. 86 % des Français se disent horrifiés par le jeu des partis politiques. Et 76 % reconnaissent la gravité de notre endettement. En même temps, ils estiment que les inégalités sont trop fortes.
Dans ce contexte délétère, notre chronique recense les principaux scenarii possibles qui tous nous conduisent vers l’état d’urgence à plus ou moins brève échéance.
I) Ni dissolution ni démission, mais hibernation du gouvernement ?
Pour des raisons politiciennes généralement masquées, l’idée d’une nouvelle dissolution fait florès. Les enquêtes d’opinion montrent cependant qu’elle n’aboutirait à
rien : probablement pas de majorité mais seulement une prime au R.N. Il n’est pas dans la vocation du président de la République de démissionner puisque son rôle est de garder les institutions. Tout est possible mais sa démission reste peu probable.
Le Premier ministre ne dispose pas de majorité pour faire voter un budget. L’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution aboutirait à coup sûr à un nouveau renversement du gouvernement.
Sauf à gagner la neutralité du PS, le budget ne peut donc être voté.
Empêcher un nouveau renversement du Premier ministre supposerait d’annuler la réforme des retraites, ce qui est absolument impossible puisque ni les retraites
actuelles du secteur public, ni les retraites futures du régime général ne sont financées (même avec les 64 ans !).
Il ne sert par ailleurs à rien de sauter comme un cabri en scandant le nom-totem de la « taxe Zucman ». La concentration des patrimoines est certes devenu très importante mais les conditions réalistes d’une super-taxation ne sont jamais clairement discutées.
Rechercher une adaptation opérationnelle supposerait de répondre clairement à trois questions :
● Peut-on taxer les patrimoines dans un seul pays ?
● Comment lever le véto du Conseil constitutionnel ? ● Dans quelle mesure exonérer les biens professionnels ?
En pratique, il ne reste au gouvernement que deux voies de passage :
● Se limiter à reconduire les services votés au titre d’une nouvelle « loi spéciale» ( cf « l’hibernation » );
● Procéder par ordonnances en faisant durer le débat budgétaire 70 jours (sans dépôt d’une motion de censure) comme le permet la Constitution.
II) Comment faire le budget ? Mais quel budget ?
Le budget ne peut désormais passer que par la voie des ordonnances à condition de trancher les deux dilemmes suivants :
● La trajectoire des « 44 milliards » en 2026 ne peut être raccourcie sauf à laisser filer la dette avec désinvolture en assumant les risques d’accident ;
● une imposition des super-riches est nécessaire mais ne suffira pas ; encore faut-il en trouver les conditions acceptables par le Conseil constitutionnel.
Être pour ou contre « faire payer les riches » n’a pas de sens. Il faut trouver un compromis sur le comment.
Il faut également garder en mémoire les enjeux suivants :
La France a besoin de trouver 240 milliards en 5 ans , soit 8 points de PIB, pour stabiliser sa dette (120 milliards) , respecter ses engagements de défense (30 milliards), assurer les énormes investissements nécessaires à la transition (90 milliards).
Ces chiffres sont largement documentés.
III) Pourquoi l’état d’urgence semble inéluctable à terme ?
Tous les politologues convergent pour affirmer que rien ne se passera avant 2027, mais l’inaction nous coûte de plus en plus cher.
Il arrivera un moment où la dette française sera difficile à placer et où la France sera contrainte d’appeler les institutions européennes au secours ( et non le FMI !).
La France ne fera pas faillite et sera secourue mais à quel prix ?
Le plan qui nous serait hypothétiquement imposé de l’extérieur pourrait être alors le suivant :
● retraite à 67 ans ;
● baisse des pensions supérieures à 2000 euros ;
● baisse des salaires des fonctionnaires ;
● coupes budgétaires de l’ordre de 100 milliards ;
● emprunt forcé.
Le président de la République ( quel qu’il soit ) n’aura d’autre solution que l’Article 16 de la Constitution sur l’état d’urgence.
Si la crise est :
● grave ,
● menace l’État de paralysie ,
● nous empêche de tenir nos engagements internationaux ,
Alors la Constitution autorise le président à suspendre le Parlement pour une durée de trois mois pour prendre lui-même par ordonnances les mesures imposées par l’urgence (en l’occurrence le budget). Un mois suffira.
Nous y allons tout droit à une date encore improbable. Un renversement du nouveau Premier ministre dès sa déclaration de politique générale nous rapprocherait de cette mesure d’exception
.Dr Maxime MAURY
La France vers l’état d’urgence ?
« Le premier qui dit la vérité , il doit être exécuté. » ( Guy Béart )
« Les comptes en désordre sont le propre des nations qui s’abandonnent. »( Pierre Mendès-France )
En huit mois, la France aura perdu deux Premier ministres au moment de voter son budget. Les taux d’intérêt auxquels elle empruntera cette année encore 330 milliards se seront envolés par dessus ceux de l’Italie, de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne.
Une grande agence de notation aura décoté sa dette dans un grade qui n’est plus le premium mais la qualité simplement « moyenne » (A+).
À la seconde dégradation par une autre agence (possiblement Standard and Poor en novembre), nous ne serons plus dans le même monde car notre dette sera plus difficile à placer et concurrencée par les émissions allemandes qui s’accroissent en toute sécurité avec leur triple A.
L’attribution d’une cote A+ ( qualité « moyenne ») par deux agences sur trois entraînera, en raison de la régulation prudentielle Bâle III, une augmentation significative des fonds propres des banques qui portent la dette française. En effet, le risque s’accroît et avec lui les taux d’intérêt long terme qui incluent une prime de plus en plus pénalisante.
Ainsi le spread par rapport à l’Allemagne dépasse maintenant 80 points de base. Dans la période de création de l’euro,il n’ était que de 15 points. Au cours des dernières années, à peine de 25 points en moyenne.
Nous sommes comme un patient qui aurait de l’hypertension et refuserait de se soigner.
La vérité toute bête c’est qu’il n’y a plus désormais de limites au coût de notre endettement que la Cour des comptes évalue à 105 milliards en 2029 pour les seuls
intérêts (contre 67 milliards actuellement) alors que nous empruntons 10 000 euros par seconde et voyons notre endettement croître de 5000 euros par seconde.
Seul notre comportement peut le limiter désormais. Or nous ne fonctionnons plus comme une nation mais comme une cour de récréation où se concentrent de mauvais élèves. 86 % des Français se disent horrifiés par le jeu des partis politiques. Et 76 % reconnaissent la gravité de notre endettement. En même temps, ils estiment que les inégalités sont trop fortes.
Dans ce contexte délétère, notre chronique recense les principaux scenarii possibles qui tous nous conduisent vers l’état d’urgence à plus ou moins brève échéance.
I) Ni dissolution ni démission, mais hibernation du gouvernement ?
Pour des raisons politiciennes généralement masquées, l’idée d’une nouvelle dissolution fait florès. Les enquêtes d’opinion montrent cependant qu’elle n’aboutirait à
rien : probablement pas de majorité mais seulement une prime au R.N. Il n’est pas dans la vocation du président de la République de démissionner puisque son rôle est de garder les institutions. Tout est possible mais sa démission reste peu probable.
Le Premier ministre ne dispose pas de majorité pour faire voter un budget. L’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution aboutirait à coup sûr à un nouveau renversement du gouvernement.
Sauf à gagner la neutralité du PS, le budget ne peut donc être voté.
Empêcher un nouveau renversement du Premier ministre supposerait d’annuler la réforme des retraites, ce qui est absolument impossible puisque ni les retraites
actuelles du secteur public, ni les retraites futures du régime général ne sont financées (même avec les 64 ans !).
Il ne sert par ailleurs à rien de sauter comme un cabri en scandant le nom-totem de la « taxe Zucman ». La concentration des patrimoines est certes devenu très importante mais les conditions réalistes d’une super-taxation ne sont jamais clairement discutées.
Rechercher une adaptation opérationnelle supposerait de répondre clairement à trois questions :
● Peut-on taxer les patrimoines dans un seul pays ?
● Comment lever le véto du Conseil constitutionnel ? ● Dans quelle mesure exonérer les biens professionnels ?
En pratique, il ne reste au gouvernement que deux voies de passage :
● Se limiter à reconduire les services votés au titre d’une nouvelle « loi spéciale» ( cf « l’hibernation » );
● Procéder par ordonnances en faisant durer le débat budgétaire 70 jours (sans dépôt d’une motion de censure) comme le permet la Constitution.
II) Comment faire le budget ? Mais quel budget ?
Le budget ne peut désormais passer que par la voie des ordonnances à condition de trancher les deux dilemmes suivants :
● La trajectoire des « 44 milliards » en 2026 ne peut être raccourcie sauf à laisser filer la dette avec désinvolture en assumant les risques d’accident ;
● une imposition des super-riches est nécessaire mais ne suffira pas ; encore faut-il en trouver les conditions acceptables par le Conseil constitutionnel.
Être pour ou contre « faire payer les riches » n’a pas de sens. Il faut trouver un compromis sur le comment.
Il faut également garder en mémoire les enjeux suivants :
La France a besoin de trouver 240 milliards en 5 ans , soit 8 points de PIB, pour stabiliser sa dette (120 milliards) , respecter ses engagements de défense (30 milliards), assurer les énormes investissements nécessaires à la transition (90 milliards).
Ces chiffres sont largement documentés.
III) Pourquoi l’état d’urgence semble inéluctable à terme ?
Tous les politologues convergent pour affirmer que rien ne se passera avant 2027, mais l’inaction nous coûte de plus en plus cher.
Il arrivera un moment où la dette française sera difficile à placer et où la France sera contrainte d’appeler les institutions européennes au secours ( et non le FMI !).
La France ne fera pas faillite et sera secourue mais à quel prix ?
Le plan qui nous serait hypothétiquement imposé de l’extérieur pourrait être alors le suivant :
● retraite à 67 ans ;
● baisse des pensions supérieures à 2000 euros ;
● baisse des salaires des fonctionnaires ;
● coupes budgétaires de l’ordre de 100 milliards ;
● emprunt forcé.
Le président de la République ( quel qu’il soit ) n’aura d’autre solution que l’Article 16 de la Constitution sur l’état d’urgence.
Si la crise est :
● grave ,
● menace l’État de paralysie ,
● nous empêche de tenir nos engagements internationaux ,
Alors la Constitution autorise le président à suspendre le Parlement pour une durée de trois mois pour prendre lui-même par ordonnances les mesures imposées par l’urgence (en l’occurrence le budget). Un mois suffira.
Nous y allons tout droit à une date encore improbable. Un renversement du nouveau Premier ministre dès sa déclaration de politique générale nous rapprocherait de cette mesure d’exception
.Dr Maxime MAURY