Résumé
Après la mort de Mahsa Amini, jeune femme de 22 ans arrêtée pour avoir mal mis son voile, et battue par la police, la grogne monte en Iran contre le pouvoir islamique.
avec :
Azadeh Kian (Professeure de sociologie, directrice du département de sciences sociales et du CEDREF à l’Université de Paris (ex Paris 7 Diderot)), Clément Therme (Chargé de cours à l’université Paul-Valery de Montpellier).
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Jusqu’où peut aller la révolte en Iran ? Pour essayer de répondre à cette question, Guillaume Erner s’entretient avec Azadeh Kian, sociologue franco-iranienne, spécialiste de l’Iran, directrice du département de sciences sociales et du Centre d’enseignement, de documentation et de recherche pour les études féministes (Cedref) à l’université de Paris-Cité, Clément Therme, chercheur en sociologie et histoire internationale, chargé de cours à l’université Paul Valéry de Montpellier et Fariba Hachtroudi, journaliste et écrivaine iranienne.
Quelles causes aux manifestations actuelles en Iran ?
Un contexte économique difficile
Alors que depuis quelques jours, de nombreux jeunes iraniens et iraniennes descendent dans la rue pour manifester dans plusieurs villes et régions du pays, Adzadeh Kian inscrit ce mouvement dans un contexte plus large : « l’assassinat de Mahsa Amini a mis le feu aux poudres dans un contexte de tension déjà grande« . La sociologue lie le mécontentement notamment à la situation économique iranienne où, d’une part, sur l’ensemble de la population « 40% vit sous le seuil de pauvreté » et, d’autre part, « 50% des jeunes diplômés se trouvent au chômage ».
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Le durcissement du régime
Pour Azadeh Kian, l’arrivée au pouvoir de Ebrahim Raïssi a entraîné une « recrudescence de la violence d’Etat contre les femmes« . Alors que la police des mœurs était moins violente il y a quelques années, la directrice du CEDREF dénonce le fait qu’elle a désormais carte blanche pour réprimer n’importe quelle désobéissance. Une violence qui a conduit, comme elle le rappelle, au décès de Mahsa Amini arrêtée le 13 septembre dernier. Pour Clément Therme, ce durcissement du régime s’affirme en réaction à une « désaffection d’une majorité de la population pour l’idéologie islamiste« .
Une résistance des femmes
Face à ce que la sociologue franco iranienne appelle la « talibanisation » du régime, qui implique notamment une plus grande surveillance des femmes, celles-ci continuent de résister comme le montrent les manifestations de ces derniers jours. Azadeh Kian insiste également sur le fait que les mouvements féministes iraniens sont anciens et remontent au début XXème siècle.
Fariba Hachtroudi, quant à elle, se pose comme « une témoin des prémices de cette révolte » et explique qu’entre 2017 et 2020, alors qu’elle résidait en Iran, elle notait déjà de petits signes de contestation et un sentiment de ras-le-bol général. En effet, comme le souligne Clément Therme, l’étincelle vient aujourd’hui de la situation des femmes et donne la preuve de l' »échec idéologique d’endoctrinement par le haut« .
Quelle réponse possible du régime iranien ?
Pour Clément Therme, les manifestations sont le signe d’une « volonté de changement de régime par le bas« . Le gouvernement iranien, selon lui, se trouve face à un choix : le renoncement au fait d’imposer le port du voile ou le changement de régime. Azadeh Kian insiste, quant à elle, sur le fait qu’une abolition de la loi sur le port du voile n’est pas possible, tellement celui-ci a été sacralisé. Les revendications s’orienteraient davantage vers une « abolition de la structure de la police des mœurs. (…) On va garder la loi mais on va demander par exemple seulement une amende. (…) Mais cela m’étonnerait fort que la loi elle-même soit abolie parce que ça porterait atteinte aux fondements idéologiques du régime.«