Les Provençaux ne seront le « sud » de personne.

La Fédération historique de Provence et le nom de notre région

Depuis quelque temps, le site internet de notre région et quelques autres documents qui en émanent arborent une nouvelle appellation, qui vient s’ajouter à un nom valise en usage déjà depuis quelques décennies : « Ma Région Sud ». Il y a quelques années, la Région avait lancé une consultation à propos de son nom, mais elle n’avait pas abouti bien que les sondages aient révélé que « Provence » recueillait un assentiment majoritaire. La question qui se posait alors, et qui se pose toujours, est la longueur d’un nom constitué d’un assemblage arbitraire de termes censés complaire aux diverses composantes de la région. On notera du reste que cet assemblage ignore superbement le Vaucluse et son Comtat historique. La longueur du nom ainsi obtenu et son caractère impraticable a suscité l’usage répandu d’un acronyme, PACA, que tout le monde s’accorde à trouver laid et vide de sens. Depuis, toute réflexion sur le nom de la région tourne en rond : comment trouver mieux ? Pourtant, l’histoire longue nous offre une solution évidente. Le seul nom capable de fédérer l’ensemble de notre territoire est celui de Provence, qu’imposent l’histoire, l’usage et la reconnaissance internationale. Doit-on rappeler que cette appellation millénaire s’applique à la zone courant de la Méditerranée aux Alpes, et du Trophée de la Turbie au Rhône ? Notre région, particulièrement dans ses parties alpines, a été taillée par l’administration sans grand respect pour le passé et il nous faut assumer ces limites. Certes aussi, un nom revêt une part d’arbitraire, il ne faut pas se le cacher, et il ne devient chose commune qu’à condition d’emporter une part d’imaginaire. Être ou devenir provençal en recèle assurément, et il n’exclut nullement d’autres appartenances, bien plus, il est bien le seul à pouvoir les englober sans les nier.

Car il n’est pas même nécessaire de réaliser un sondage pour constater la très large réprobation que suscite dans l’opinion la malheureuse appellation donnée par ses créateurs à notre région. « Provence-Alpes-Côte-d’Azur » cumule une excessive longueur, que s’efforce de compenser l’affreux acronyme « PACA », et une injustice, puisqu’elle associe trois éléments inégaux par l’âge et la représentativité. L’appellation « Alpes » a effectivement recouvert, assez brièvement durant l’Antiquité, une partie du domaine montagnard provençal, mais elle s’est davantage fixée sur l’actuelle Savoie. La Côte-d’Azur, simple enseigne touristique de création très récente, ne s’applique qu’à une mince fraction du littoral. À supposer que les Niçois se contentent de cette désignation qui oublie tout le reste de leur ancien comté, comment expliquer l’absence de référence aux territoires, jadis tout aussi autonomes, du Comtat Venaissin et de la principauté d’Orange ?

Quant à la notion de « sud » – terme emprunté à l’anglais, auquel l’usage populaire, appuyé sur la tradition, a toujours préféré celui de « midi » –, non seulement elle englobe un espace trop large pour être accaparée par notre seule région qui n’en représente pas même la zone la plus méridionale, mais elle suppose la référence et la subordination par définition dévalorisante, au centre politique de l’hexagone.

Le nom de la Provence, la Provincia latine, est plus ancien même que celui de la France et a désigné, au cours de plus de 2000 ans d’histoire, l’ensemble de l’actuelle région administrative, jusqu’aux cols du Lautaret et du Montgenèvre. Les volontés politiques qui en ont, à diverses époques, séparé des fragments, n’ont pas altéré son unité géographique, linguistique et culturelle. Ainsi, après l’annexion du comté de Nice et de la vallée de l’Ubaye par la maison de Savoie à la fin du xive siècle, les Savoyards ont désigné cet espace comme « Terres neuves de Provence ». Les Français s’y trompent si peu qu’ils en font un modèle – pour qualifier, par exemple, la « Drôme provençale ». La Provence est la première, sinon la seule région française connue des touristes du monde entier.

Rappelons enfin que les noms de lieu constituent, au même titre que les paysages et les monuments, une partie de notre patrimoine et méritent d’autant plus d’être préservés que leur conservation ne coûte qu’un peu d’attention et de respect. Ils sont d’ailleurs, comme les noms de personne, protégés par leur statut juridique et ne peuvent être modifiés sans un acte officiel. Les tentatives en ce sens des révolutionnaires (par exemple Toulon rebaptisé Port-la-Montagne) ont toutes échoué.

Oublions donc les malencontreuses additions qui défigurent son nom : Provence suffit, dans l’usage comme dans la tradition, à dénommer notre région. Les habitants, natifs ou non, de notre région sont fiers de s’appeler Provençaux : accepteront-ils d’être Sudistes ?

La Fédération historique de Provence et les cosignataires se prononcent non seulement contre l’adoption du terme de « Sud » pour désigner notre région, mais invitent à mettre le seul beau nom de Provence en partage pour la désigner désormais.

Le comité d’administration de la Fédération historique de Provence, le 12 avril 2019.

Nous invitons toute association à se joindre à ce manifeste en nous écrivant (federationhistorique.deprovence@laposte.net).

Premiers signataires :

Fédération historique de Provence

Groupe Archéologique de Carpentras et sa Région

Les Amis de Lurs-en-Provence

Centre Généalogique Midi-Provence

Les Amis des Arts (Reillanne)

Provence mémoire ouvrière

Conservatoire du patrimoine du Freinet

Société des Amis du Palais des papes et des Monuments d’Avignon

Archéo-Drôme

Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var