À mon ami Guy David, “l’Ome d’Oc” par Patrick Lasseube

Aujourd’hui nous sommes tous plongés dans une profonde tristesse, celle de ne plus entendre ta voix…Vous ses enfants, Nathalie, Fabien, Fanny, toi Mikaela son épouse, vous sa famille, ses proches, ses amis ici réunis.

Guy avait anticipé ce moment fatidique et m’avait demandé de vous livrer ma perception de son engagement en faveur de la culture et de la langue occitane.

Guy a été l’un des principaux acteurs, l’une des figures marquantes de la revendication occitane de sa génération. Amoureux de sa langue maternelle, infatigable militant, il a appliqué à la lettre le célèbre slogan revendicatif des années 1970 :

« Òme d’Òc as dreit a la paurala, PARLA !!! ».

Il a fait ses premiers pas dans la vie, à la fois nourri et bercé par l’occitan parlé par ses grands parents à la ferme de « couma granda », située au bout de la côte du Christ à Carbonne. Plus tard, comme tous ceux qui sont passés par le collège de Carbonne, Guy a été capté par André Lagarde qui avait le don de déceler ceux qui étaient prêts à servir la cause occitane.

Guy s’est vite  révélé comme un infatigable instigateur et animateur des associations culturelles occitanes autour de Toulouse. Il était de toutes les initiatives d’animations : Carnavals de rue, feux de la Saint-Jean, pastorales de noëls, bals traditionnels, fêtes votives ou populaires… Tantôt animateur, tantôt organisateur, mais aussi chanteur, danseur, sans oublier ses talents de conteur. Et même aujourd’hui je ne résiste pas à vous rappeler les titres évocateurs de deux de ses contes préférés à l’interprétation inoubliable : « Quand Jousépou  passe l’examen de la première communion» ou celui de « ééééé bé fe fe fe freine hil de puta !!! ».

Mais les talents de Guy ne se cantonnaient pas à la fête. Sa capacité à prendre la parole en public ne connaissait pas de limites, quelques soient le lieu et la composition de son auditoire. Il excellait dans cet exercice car il aimait séduire son public et il avait sa façon à lui de le charmer. J’ai le souvenir, comme vous, de ses mimiques, comme celle de passer sa main dans sa barbe.

Il est l’un des acteurs du rapprochement, entre associations occitanes, catalanes et aranaises de part et d’autre des Pyrénées, mais aussi des jumelages avec la Galice. Ce qui motivait ses actions, c’était les rencontres, les échanges entre les langues et cultures transpyrénéennes, tout un héritage culturel qui depuis des siècles a forgé l’âme de nos Régions historiques de part et d’autre des Pyrénées : Aragon, Galice, Languedoc, Gascogne.

En Ariège, il a été l’un des trois créateurs, avec Jean Paul Cazes et Guy Saurat, d’une opération de grande envergure de promotion des richesses culturelles, gastronomiques et les savoirs faire du Couserans. C’est ainsi que 33 « trains gascons » sillonnèrent la France et au-delà, amenant des milliers de participants, et tout ce que pouvait compter la Gascogne en élus, en responsables du Tourisme et en chefs de la gastronomie, autant d’ambassadeurs et lui, Guy, grand animateur.

Ce drapeau frappé de la croix du Languedoc, déployé ici, est celui que nous avons ensemble fait flotter pour la première fois à Montgarri en Val d’Aran sur les vestiges du pont enjambant le torrent, la Noguera Pallaresa. Un geste symbolique que nous avaient demandé les aranais, en attendant qu’ils aient leur propre bannière. Durant plusieurs années, le 2 juillet, Guy a été de ceux qui ont œuvré pour faire en sorte que des milliers de personnes du Couserans mais aussi de toute l’Occitanie convergent sur Montgarri. Dans ce moment de fraternité, Guy aimait plus particulièrement le moment du partage du vin amené par les aranais  et du fromage de la vallée de Bethmale, que Guy, avec ses amis de « la houlette gourmande » distribuait généreusement à la foule, à l’aide de son inséparable « laguiole ».

Aux interminables débats où l’on refait le monde, souvent sans lendemain, Guy a toujours privilégié l’engagement. Il fut l’un des présidents de l’Institut d’Études Occitanes et il a même été président de l’IEO interdépartemental Haute-Garonne, Ariège et Gers.

Reconnu pour sa parfaite connaissance du tissu associatif occitan en Haute-Garonne, il sera le premier chargé de mission auprès du président du Conseil Départemental de Haute-Garonne pour valoriser la culture occitane sur tout ce territoire.

Plus récemment, si la maladie ne l’avait pas atteint, la présidente de Région, Carole Delga, lui aurait confié la présidence d’une importante structure culturelle régionale.

Un moment marquant de sa vie de militant aura été sa candidature à Cintegabelle face au 1er ministre Lionel Jospin. Sa candidature était une réaction épidermique à  « un parachutage » en Occitanie. J’ai le souvenir de réunions de cette campagne électorale avec les élus des villages du canton de Cintegabelle où Guy entamait les réunions en occitan. Les résultats du premier tour retentirent comme un véritable coup de tonnerre. C’est finalement grâce à la candidature de Guy David que Lionel Jospin fut sensibilisé aux enjeux de la culture et de la langue Occitane… Là aussi, c’est Guy, fin négociateur qui, avec l’appui de ses connaissances et la diplomatie d’André Lagarde, a su convaincre Lionel Jospin d’apporter d’importantes réformes nécessaire pour développer  l’enseignement de l’occitan de l’école à l’université. Ce fut l’une des plus grandes avancées enregistrées depuis des décennies.

L’une de ses dernières actions dont il était à juste titre très fier avant de partir pour Le Barcares, est l’ouverture d’une calandreta dans « sa » commune de Cintegabelle.

Comme certains d’entre nous, Guy a connu le temps du bombage clandestins des Òc ou des bombages en occitan des panneaux d’entrées de communes…Le temps où le drapeau frappé de la croix occitane n’avait pas droit de cité !

Guy a éprouvé  une forte émotion le jour de la pose officielle des premiers panneaux bilingues à l’entrée des communes comme à « Autariba » ou « Cintagabela », tout comme le jour où le drapeau frappé de la croix du Languedoc est devenu l’emblème officiel de notre Région Occitanie. Il est l’un de ceux qui ont déployé auprès des décideurs toutes leurs énergies dans le processus d’approbation du nom Occitanie comme nom de notre Région.

Oui, on peut dire aujourd’hui à Guy qu’il a pleinement rempli sa mission et que nous lui en sommes profondément reconnaissants. Il est désormais l’un des maillons de cette chaîne d’union qui assure à la langue et la culture occitane une continuité avec les futures générations. Ce qui est certain, c’est que nous trouverons souvent et pour longtemps, autour de nous, l’empreinte matérielle ou immatérielle de Guy David. Et si sa disparition nous plonge dans la peine, Guy avait cette expression magique pour qualifier une telle situation : « C’est le destin ! »

Adiu l’amic !

Patrick Lasseube