Les déclarations plus ou moins fantasques de l’administration américaine.

Par Georges Labouysse

Depuis plusieurs semaines, en particulier depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump aux USA, il

ne se passe pas un jour sans que les chancelleries européennes ne soient alertées par des déclarations plus ou

moins fantasques de l’administration américaine.

Parmi les conflits majeurs, qui mettent la paix mondiale en danger, celui de l’Ukraine attire l’attention

des démocraties occidentales. Même si certains « historiens » se persuadent (pour se rassurer ?) que l’histoire

ne se répète pas, on ne peut que constater qu’elle bégaie régulièrement…

Lors de la conférence de Yalta, du 4 au 11 février 1945, Roosevelt avec Churchill d’un côté et Staline

de l’autre ont tenté de se partager le monde… et surtout l’Europe qui évoluera vite, après la défaite nazie, vers

la formation de deux zones d’influence : le bloc des démocraties occidentales à l’ouest et le bloc des dictatures

soviétiques à l’est. Ainsi assistera-t-on à une « guerre froide » entre ces deux blocs de 1945 à 1989, dont

l’équilibre reposait sur la dissuasion nucléaire.

Et aujourd’hui ? Voici pour les USA Donald Trump en parfait businessman qui revendique les richesses

du Canada et du Groenland et voila Poutine qui se présente comme le digne successeur de Staline (réhabilité

dans les livres d’Histoire russe !) et prétend reconstituer un empire soviéto-tsariste, d’où les annexions

successives de la Tchétchénie, de la Crimée, les visées sur la Syrie, la Géorgie, la Moldavie, la tentative

d’invasion de l’Ukraine (qu’il affine depuis 2014 !).

Or l’Ukraine recèle justement dans son sol des richesses inestimables en minéraux de terres rares,

comme le lithium. D’où le marché crapuleux imposé par Trump à Zelenski pour s’emparer de ces richesses,

dont une grande partie se trouve (oh ironie !) en zone occupée par la Russie, dans le Donbass en particulier !…

Ainsi Trump et Poutine vont-ils se partager l’Ukraine sur le dos du peuple torturé par plusieurs années de

guerre imposée par la Russie ? Vont-ils en profiter pour se partager l’Europe lors d’une conférence à Riyad

en Arabie saoudite où leurs représentants (le russe Sergueï Lavrov et le Secrétaire d’État américain Marco

Rubio) ont déjà préparé ensemble le terrain ? Rappelons, pour la petite et la grande histoire, que tous « ces

braves gens » sont ou seront accueillis à bras ouverts par le prince héritier Mohamed Ben Salman (MBS),

celui-là même qui agressa le Yemen en 2015 et qui fit dépecer le journaliste Jamal Khashoggi en 2018…

Rappelons aussi que Vladimir Poutine est lui-même poursuivi par la Cour Pénale Internationale de La Haye

en raison des crimes de guerre causés par les troupes russes dans le Donbass, et que Donald Trump est

poursuivi entre autres pour des malversations financières et son appel à la sédition contre la Maison blanche

en janvier 2021. Autrement dit : que du beau monde !

Nota bene : en ce qui concerne le marchandage de Trump envers l’Ukraine pour un remboursement des

dollars investis par les USA dans cette guerre, la France de Macron ferait bien de rappeler au président

américain que Louis XVI a financé sans compensation la guerre d’indépendance américaine menée par

Georges Washington en 1783, ce qui a contribué à plomber les finances de la France et à provoquer la réunion

des Etats Généraux prélude à la Révolution !

Et revoici Munich !!!

Du 14 au 16 février 2025 s’y est tenue la conférence traditionnelle sur la sécurité

dans le monde, où devait être discutée la question ukrainienne. Déjà le choix de cette ville de Bavière en dit

long sur l’ignorance de l’Histoire par les dirigeants politiques d’aujourd’hui quant au symbole que ce nom

représente. Rappelons que dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, la France avec son Président du Conseil

Daladier et l’Angleterre avec son Premier ministre Chamberlain ont signé un accord avec Mussolini et Hitler,

laissant à celui-ci le loisir de s’emparer de la Tchécoslovaquie « pour éviter la guerre », ce qui fit murmurer

à Daladier devant la foule parisienne venue l’acclamer à sa descente d’avion : « Les cons, s’ils savaient ! » …

Et en effet on connaît les conséquences en 1939 de l’abdication des démocraties face aux dictatures.

Et à quoi vient-on d’assister à Munich en ce mois de février 2025 ? Un discours hallucinant du vice-

président américain J-D. Vance contre les démocraties européennes qu’il a profondément humiliées … pour

la plus grande joie de Poutine ! Dans ce contexte quelle paix peut encore espérer l’Ukraine ? Va-t-on la forcer

à capituler devant le maître du Kremlin, comme on le fit avec la Tchécoslovaquie devant Hitler en 1938 ?

Décidément les leçons de l’Histoire ne sont pas prêtes à entrer dans les cabinets ministériels…

A Munich le 30 septembre 1938, de gauche à droite : Chamberlain, Daladier, Hitler, Mussolini et son gendre Ciano.

Le 14 février 2025 à Munich, le vice-président américain Vence attaque l’Europe qu’il présente pour les USA comme

plus dangereuse que la Russie et la Chine !

Mais l’Europe est la première puissance commerciale, c’est un atout non négligeable. Saura-t-elle enfin

dépasser ses égoïsmes internes pour devenir une puissance politique indépendante des impérialismes russe,

américain ou chinois ? Dans cette lutte engagée dans le monde par les pouvoirs autoritaires voire totalitaires

contre les démocraties où la force prime sur le droit, la survie de l’Europe est en jeu.

Toulouse, le 26 février 2025

Georges Labouysse