C’était il y a 700 ans !


L’Académie des Jeux Floraux
La plus ancienne société savante d’Occident
Nous sommes à Toulouse le 3 mai 1324. Sept troubadours se
réunissent dans le jardin des Augustines, pour décerner le premier prix
de poésie en langue occitane, doté d’une violette d’or, qui sera décernée
à Arnaud Vidal. Ainsi naît avec ces sept troubadours le « Consistòri del
Gai saber » (Consistoire du gai savoir), pour maintenir le « lyrisme
courtois » … et peut-être aussi pour « oublier » ce temps funeste des
agents de l’Inquisition.
En effet tout juste 14 ans auparavant, les fumées du bûcher du 10
avril 1310 dans l’ancien cimetière de Saint-Etienne emportaient, avec
Pèire Autier dit « l’Ancien », la dernière Eglise des Bons Hommes et
Bonnes Dames, que l’on dit « Cathares » aujourd’hui.
Bref le retentissement de cette cérémonie de 1324 sera tel que les
Capitouls demanderont aux troubadours de proclamer leurs prix
dorénavant au Capitole, ce qui sera effectif durant près de six siècles.
Les règles du concours sont codifiées en 1355 : les « Leys d’Amor »
(Lois d’amour) sont un véritable traité de la langue et de la poésie
occitanes, dont on peut admirer le manuscrit enluminé à la Bibliothèque
d’Etude et du Patrimoine, dans le cadre de l’exposition « Troubadours,
langue d’Oc et Jeux Floraux », jusqu’au 13 juillet 2024.
Au XVIe siècle, la légendaire Clémence Isaure aurait légué sa
fortune pour la pérennisation de ces joutes poétiques qui prendront
bientôt le nom de Jeux floraux. Ce nom provient des fêtes célébrées à
Rome en l’honneur de la déesse Flore et des fleurs décernées aux
meilleurs participants.En 1694, des lettres patentes de Louis XIV transforment la
Compagnie du gay savoir en Académie des Jeux floraux de 36 membres
qui seront plus tard 40 mainteneurs, associés à des maîtres-ès-jeux,
chargés de perpétuer la tradition des jeux poétiques institués le 3 mai
1324.
Durant la Révolution, ses activités seront suspendues après la
dispersion de ses membres et elles reprendront en 1806 sous le 1er empire.
En 1896 elle se réunit définitivement à l’Hôtel d’Assézat, légué par
Théodore Ozenne pour abriter les sociétés savantes de la ville. A noter
que face au portail monumental d’Assézat, se dresse la maison natale du
célèbre poète toulousain du 17e siècle : Goudouli très lié au duc Henri de
Montmorency (décapité dans la cour du Capitole pour avoir soulevé le
Languedoc contre Richelieu).
Chaque 3 mai, l’Académie se réunit dans la salle des Illustres au
Capitole pour remettre les prix et les fleurs attribués aux lauréats de
l’année. Ces fleurs auront été préalablement bénies à La Daurade au
cours d’une cérémonie en occitan.
Clémence Isaure distribue des fleurs aux troubadours
Tableau de Félix Saurine (1783-1846), musée du Vieux ToulouseParmi les célébrités reconnues par les Jeux Floraux, citons entre
autres Gaston Fébus, Ronsard, Voltaire, Chateaubriand… et Victor Hugo
à l’âge de 25 ans ! Au 20e siècle on y trouvera Léopold Sédar Senghor.
Si à l’origine, on délivrait une violette en or au poète lauréat,
aujourd’hui les prix décernés sont des pièces en bronze et émail, portant
des noms de fleurs : violette bien sûr qui est la fleur fétiche de Toulouse,
mais aussi lys, primevère, souci, églantine, œillet, marguerite,
coquelicot…
On notera qu’un certain François Fabre de
Carcassonne sera récompensé d’une fleur
d’églantine par cette même académie et qu’il sera
connu à la Révolution sous le nom de Fabre
d’Eglantine !
Acteur, dramaturge, poète et homme
politique, Fabre d’Eglantine mènera une vie très
agitée. Il est l’auteur du calendrier républicain et
de la chanson : « Il pleut, il pleut bergère… »
Très lié à Danton et à sa politique, ils seront
tous deux guillotinés le 5 avril 1794.
On raconte que dans la charrette qui les menait à l’échafaud, Fabre
d’Eglantine se lamentait de ne pas pouvoir terminer les vers d’un poème.
Et Danton lui aurait dit : « Ne t’inquiète donc pas, dans une semaine, des
vers, tu en auras fait des milliers ! … »
Jòrdi Labouysse
Hôtel
d’AssézatPour mieux connaître l’Académie des Jeux Floraux et le
calendrier des célébrations du 7e centenaire, on peut voir le
site : https://jeuxfloraux.fr/
Les fleurs du
concours
sur l’autel
de La Daurade